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Baisse des cours du pétrole : impacts sur les économies de l’UEMOA*

« La baisse des cours pétroliers devrait être l’occasion d’accélérer le processus de transformation et de diversification des économies de l’UEMOA»

Début 1986, les cours du pétrole avaient perdu plus de 60% de leur valeur, passant de 30 dollars US à environ 10 dollars US, après que plusieurs pays membres de l’Organisation des pays exportateurs de pétrole (OPEP), aient décidé d’augmenter sensiblement l’offre pétrolière.

Près de trente ans plus tard, l’économie mondiale subit un scénario identique avec une baisse prolongée des cours du pétrole, passant de 115 dollars US en milieu d’année 2014 à 36 dollars US à fin février 2016. Dans sa dernière édition du Commodity Markets Outlook, la Banque mondiale abaisse sa prévision pour le prix du pétrole brut à 37 dollars le baril en 2016, contre une projection de 51 dollars établie au mois d’octobre 2015. De même, les marchés à terme ne tablent que sur un baril à 35 dollars en moyenne en 2016 et 40 dollars en 2017.

Divers facteurs conjugués sont à l’origine de cette nouvelle crise pétrolière : le fléchissement de la demande mondiale marquée par l’atonie de l’activité internationale, une offre plus élevée que prévue et l’appréciation du dollar.

Du côté de la demande, la faiblesse émane d’un ralentissement généralisé dans les économies émergentes. En effet, entre 2010 et 2015, la Chine et le Brésil ont respectivement enregistré une perte de 3,7 et 11,37 points de pourcentage de croissance de leur produit intérieur brut ; le Brésil étant actuellement en récession économique. Les reculs des prix d’autres produits de base (tels que les métaux industriels) semblent indiquer aussi un fléchissement de la demande qui manifestement jouent un rôle dans la baisse des prix du pétrole. La faible croissance économique dans la zone euro, où les effets de la crise financière et les politiques d’austérité budgétaire affectent l’activité économique, constitue également un facteur aggravant. Il est également à noter un hiver particulièrement doux dans l’hémisphère Nord, limitant ainsi la demande pétrolière.

Au niveau de l’offre, un excès de la production de pétrole non conventionnel dans certains pays, notamment les États-Unis (pétrole de schiste) et le Canada (sables bitumineux) ainsi que le redressement plus rapide que prévu de la production dans certains pays de l’OPEP en difficulté (par exemple, l’Iraq et la Libye) sont à l’origine de la baisse des prix pétroliers. L’offre a également été accentuée par la décision prise par l’OPEP en fin 2014 de maintenir les niveaux de production en dépit de la forte baisse des prix ; la production de l’OPEP représentant 40% de la production mondiale de pétrole brut, l’Organisation a une influence non négligeable sur les cours du pétrole. Bien que certains pays (Arabie Saoudite, Russie, Venezuela, …) ainsi que les membres de l’OPEP en général aient récemment pris la décision de geler leurs productions au niveau de celles du mois de janvier 2016, les analystes ne s’attendent pas à une remontée des prix au-dessus de la barre des 100 dollars dans un avenir proche.

Quant au dollar, il existe un lien de causalité négatif entre son cours et celui du pétrole. Ainsi, quand le dollar s’apprécie, le prix du baril de pétrole diminue en conséquence. Dans ces conditions, les raffineurs et intermédiaires financiers achètent moins de pétrole, engendrant ainsi une baisse de la demande et du prix du pétrole.

Dans son édition actualisée à janvier 2016 des perspectives de l’économie mondiale, le FMI indique que dans la plupart des pays d’Afrique subsaharienne, la croissance va s’accélérer progressivement, mais en raison de la baisse des prix des produits de base, elle atteindra des taux plus faibles que ceux observés au cours des dix dernières années. Le choc de la baisse des produits de base, notamment pétroliers a des effets très hétérogènes sur les différentes économies du continent.

Pour les pays exportateurs nets (Nigéria, Angola, Guinée équatoriale, Congo, Gabon, etc.), les effets sont négatifs compte tenu de leur forte dépendance au pétrole. En Guinée équatoriale, par exemple, le pétrole représente environ 85% du PIB, 85% du budget national et 90% des exportations.

Au niveau des marchés financiers, la conjoncture pétrolière peut également constituer une source de durcissement des conditions de financements extérieures. Les cours du pétrole sont un important facteur déterminant des marges de taux d’emprunt souverains. Selon le Fonds Monétaire Internationale[1], une baisse de 10 dollars du prix du baril augmenterait les marges souveraines des emprunts des pays exportateurs de près de 5%. Ainsi, dans la conjoncture actuelle, les levées de fonds sur les marchés financiers internationaux pourraient être moins favorables pour les pays exportateurs du continent. Déjà, certains « sons de marché » font écho d’une renonciation par certains pays africains, à émettre des euro-bonds initialement programmés pour cette année. C’est le cas notamment du Nigéria qui a mis en standby l’émission de son eurobond, initialement prévue en mars 2016, en raison des turbulences des marchés. Il convient de souligner que les dernières émissions récemment réalisées par des pays africains sur le marché international n’ont pas été favorables. L'Angola a levé de la dette à 9,25% et le Cameroun malgré une garantie partielle de la BAD, a obtenu le taux record de 10,75%.

Pour les pays importateurs nets, les effets sont plutôt positifs ou encore neutralisés ; c’est le cas notamment des pays de l’UEMOA.

L’impact favorable de la baisse des cours pour les économies de l’UEMOA pourrait se transmettre principalement à travers les canaux ci-après:

  • la réduction des coûts de production, à travers la baisse des coûts des intrants, notamment énergétiques, agricoles et de transport pour les entreprises, améliorant ainsi leur compétitivité et celle de l’Union en général;

  • l’accroissement du revenu réel à travers l’amélioration du pouvoir d’achat des ménages et donc l’incitation à la consommation ; la baisse du pétrole étant effective sur les prix à la pompe ;

  • la maitrise de l’inflation: l’impact peut varier fortement d’un pays à un autre, en fonction de la prépondérance du pétrole dans les dépenses et du niveau des subventions aux produits pétroliers. En tout état de cause, compte tenu de l’importance du poids du pétrole dans le calcul de l’indice harmonisé des prix à la consommation (IHPC), la baisse des prix du pétrole pourrait être favorable à la maitrise de l’inflation au sein de l’UEMOA.

Toutefois, il convient de noter que la baisse du cours du pétrole pourrait constituer un facteur perturbateur des cours du coton dans la mesure où la chute des cours du baril est de nature à favoriser le développement et l’utilisation de fibres synthétiques dans l’industrie textile, en substitution aux fibres de coton. Une telle substitution pourrait entrainer une baisse de la demande de coton et, en conséquence, une chute des cours du coton. Ce qui pourrait affecter des pays comme le Bénin, le Burkina, la Côte d’Ivoire et le Togo, exportateurs de coton fibre.

Selon certaines études réalisées, il convient de noter que la baisse des prix du pétrole a généralement de plus faibles effets qu’une hausse dans les économies importatrices.

Globalement, le choc pétrolier actuel est favorable à l’UEMOA. Il devrait permettre de stimuler la compétitivité des économies nationales et de poursuivre le trend de la croissance. Toutefois, cet avantage conjugué à la baisse des prix d’autres principaux produits de base (coton, café, or, huile de palme, caoutchouc) paraît fragile. Les Etats de l’UEMOA devraient profiter de cette conjoncture pour accélérer leur processus de transformation, tout en veillant à une diversification de leurs économies. Aussi, la conjoncture actuelle apparaît-elle comme une opportunité pour lutter contre le commerce illicite de l’essence frelatée, notamment au Bénin et au Togo, afin d’améliorer le recouvrement des recettes publiques.

Sources :

  • Perspectives de l’économie mondiale du FMI, janvier 2016 ;

  • Finances et développement, mars 2016 ;

  • Rapport sur la surveillance multilatérale de l’UEMOA, juin et décembre 2015 ;

  • Papier général de la DSE sur l’évolution de l’environnement international.

*Joseph DIABATE est analyste financier chargé de la planification et des études dans une banque de développement à Lomé.

[1] Perspectives économiques régionales – Afrique subsaharienne, avril 2015


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